Futur(s) est une newsletter hebdomadaire qui raconte les émergences du présent en fictions du futur. J’y partage ma veille et mes réflexions sur l’évolution de nos modes de vie. Nous sommes désormais 8 814 à imaginer les futurs ici.
Depuis le COVID, nous assistons à une dé-standardisation accélérée, portée par les attentes des individus. Désormais, il n’existe plus un rapport au travail, mais des trajectoires éclatées, des visions multiples, parfois contradictoires. Le travail se fragmente, se redéfinit, mute à grande vitesse.
Mais pendant que la demande s’invente de nouvelles règles, l’offre de travail, elle aussi, se restructure, sous l’effet de contraintes plus dures : croissance atone, pénurie de main-d’œuvre, et une pression renouvelée sur le levier de la productivité.. Derrière cette recomposition, une question cruciale se dessine, à ne surtout pas perdre de vue : si l’on soutient l’hypothèse que l’IA est une technologie exponentielle là pour durer, que fait - et que va faire - l’intelligence artificielle au travail ?
Voici trois pistes pour explorer ce sujet tentaculaire et bouleversant.
Bonne lecture,
Noémie
Formation Design fiction : Dernières places !
En présentiel les 24, 25 et 26 septembre 2025 à Paris
Prendre le temps d'explorer les liens entre prospective et design fiction
👁️ Remarquer le changement
💭 Passer de la veille à la pensée prospective
💬 Raconter le changement
🎤 Ouvrir des conversations stratégiques sur les futurs
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Le programme détaillé
Une formation en partenariat avec Mue., éligible au financement OPCO.
Discutons-en ! (noemie@circa2040.com)
🧑💼 Et si demain, rester en poste devenait la seule stratégie de survie ?
Signaux faibles
“Nous nous dirigeons vers l’ère de l’IA reine, où les nouvelles recrues humaines devront prouver leur valeur au sein d’une mer d’‘employés’ numériques.” La journaliste de Fortune, spécialiste de l’IA, se dit “très inquiète”, car les travailleurs n’utilisent pas encore assez l’IA et leurs patrons ne leur disent pas la vérité sur l’évolution de leurs métiers. En somme, “notre société n’est pas prête à envisager les conséquences de ces changements par une communication adéquate et, oui, par un soutien financier et un soutien en matière de santé mentale”. C’est que l’IA, elle, n’a pas besoin de soutien psychologique…
L’idéologie de la Silicon Valley : robotiser et automatiser tous les métiers ?
He had a simple message for the assembled startup founders: the money you can make in AI isn’t limited to the paltry market sizes of previous technology waves. You can replace the world’s workers – which means you can capture their salaries. All of them.
Replacing all human labour with AI sounds like the stuff of science fiction. But it is the explicit aim of a growing number of the tech elite – and these are people who lack neither drive nor resources, who have deep pockets and even deeper determination. If they say they want to automate all labour, we should take them at their word.
(Trad. Il avait un message simple à adresser aux fondateurs de startups réunis : l'argent que vous pouvez gagner grâce à l'IA n'est pas limité aux tailles de marché dérisoires des vagues technologiques précédentes. Vous pouvez remplacer les travailleurs du monde entier, ce qui signifie que vous pouvez vous emparer de leurs salaires. Tous.
Remplacer toute la main-d'œuvre humaine par l'IA semble relever de la science-fiction. Mais c'est l'objectif explicite d'un nombre croissant de membres de l'élite technologique - et il s'agit de personnes qui ne manquent ni de motivation ni de ressources, qui ont les poches pleines et une détermination encore plus grande. S'ils disent qu'ils veulent automatiser tout le travail, nous devons les prendre au mot.)
De plus en plus d’hommes américains quittent le marché du travail
According to the U.S. Bureau of Labor Statistics, the unemployment rate for prime-age working men was 3.4% in August 2024. This number primarily includes those who are unemployed and looking for a job. But about 10.5% of men in their prime working years, or roughly 6.8 million men nationwide, are neither working nor looking for employment, compared with just 2.5% in 1954.
“The long-term decline in labor force participation by so-called prime-age men is a tremendous worry for our society, our economy, and probably our political system,” said Nicholas Eberstadt, a political economist at the American Enterprise Institute.
Education is an important predictor of prime-age men’s odds of being out of the labor force.
“The big impacts are on the non-college-educated groups on their ability to enter and stay in the labor market,” said Jeff Strohl, a director of the Center on Education and the Workforce at Georgetown University.
(Trad. Selon le Bureau des statistiques du travail des États-Unis, le taux de chômage des hommes actifs dans la force de l'âge était de 3,4 % en août 2024. Ce chiffre inclut principalement les personnes au chômage et à la recherche d'un emploi. Cependant, environ 10,5 % des hommes dans la force de l'âge, soit environ 6,8 millions d'hommes au niveau national, ne travaillent pas et ne cherchent pas d'emploi, contre seulement 2,5 % en 1954.
« Le déclin à long terme de la participation au marché du travail des hommes dits dans la force de l'âge est extrêmement préoccupant pour notre société, notre économie et probablement notre système politique », a déclaré Nicholas Eberstadt, économiste politique à l'American Enterprise Institute.
L'éducation est un facteur prédictif important des chances des hommes dans la force de l'âge de ne pas faire partie de la population active.
« Les impacts les plus importants concernent les groupes qui n'ont pas fait d'études supérieures et leur capacité à entrer et à rester sur le marché du travail », a déclaré Jeff Strohl, directeur du Centre sur l'éducation et la main-d'œuvre à l'université de Georgetown.)
Les questions que cela pose
La baisse du turnover serait-elle une bonne chose pour les RH ?
Quels indicateurs et quels observatoires de ces mutations à l’échelle de la société ?
Quels dispositifs d’accompagnement — psychologiques, économiques, pédagogiques — devons-nous créer pour ne pas laisser les gens seuls face à la recomposition du travail ?
La fiction
Dans un monde où l’ouverture d’un recrutement deviendrait exceptionnelle, les salariés ne chercheraient plus à évoluer, mais à se maintenir dans le système.
Le CDI deviendrait un refuge, le poste stable une ligne de défense.
Changer d’emploi ? Ce serait prendre le risque de se marginaliser, voire commettre une faute irréparable.
👦 Et si demain, accueillir un jeune stagiaire devenait une démarche de régénération interne ?
Signaux faibles
Le nouvel indicateur à suivre : le fossé entre les jeunes diplômés et les autres
No matter the interpretation, the labor market for young grads is flashing a yellow light. It could be the signal of short-term economic drag, or medium-term changes to the value of the college degree, or long-term changes to the relationship between people and AI. This is a number to watch.
(Trad. Quelle que soit l'interprétation, le marché du travail pour les jeunes diplômés est en train de clignoter en jaune. Il pourrait s'agir du signal d'un ralentissement économique à court terme, de changements à moyen terme de la valeur du diplôme universitaire ou de changements à long terme de la relation entre les personnes et l'IA. C'est un chiffre à surveiller.)
Les questions que cela pose
Comment éviter un marché du travail à deux vitesses entre profils expérimentés et jeunes en quête de légitimité ? Comment rééquilibrer les rapports entre insiders expérimentés et nouvelles générations en quête d’opportunité ?
Comment imaginer de nouveaux parcours d’entrée dans le monde du travail ?
Comment redéfinir la valeur de profils junior dans un monde où l’IA fait la même chose ?
La fiction
Dans un monde où la complexité et le doute sont des compétences clés, les entreprises développeraient un “programme de friction douce”. L’accueil d’un jeune y serait conçu comme un moment d’inoculation de naïveté constructive. On désapprendrait, on reformulerait, on ferait le tri dans l’inutile.
🎓 Et si demain, le diplôme universitaire devenait une option parmi d’autres dans un écosystème de reconnaissance des compétences ?
Signaux faibles
Le “Palantir Degree” : Palantir concurrence l’université avec des stages
Palantir launched a "Meritocracy Fellowship" this week aimed at high schoolers or recent graduates who want to "get the Palantir Degree" and "skip the debt" and "indoctrination." The role(s) will be earned "solely on merit and academic excellence."
On LinkedIn, the company wrote "chaos has ensued on university campuses," and "admissions are based on flawed criteria." The four-month (Fall 2025) fellowship is "in response to the shortcomings of university admissions" and pays $5,400 a month.
(Trad. Palantir a lancé cette semaine une « bourse de la méritocratie » destinée aux lycéens ou aux jeunes diplômés qui souhaitent « obtenir le diplôme Palantir » et « éviter les dettes » et « l'endoctrinement ». Le ou les rôles seront gagnés « uniquement sur la base du mérite et de l'excellence académique ».
Sur LinkedIn, l'entreprise a écrit que « le chaos s'est installé sur les campus universitaires » et que « les admissions sont basées sur des critères erronés ». La bourse de quatre mois (automne 2025) est « une réponse aux lacunes des admissions universitaires » et est rémunérée 5 400 dollars par mois.)
Les questions que cela pose
Les entreprises vont-elles progressivement court-circuiter l’université en créant leurs propres parcours de sélection et de formation, plus agiles et plus concrets ?
Quelles nouvelles propositions de valeur pour l’enseignement supérieur dans un monde où les métiers d’aujourd’hui évoluent à toute vitesse ? (Pensez aux étudiants en 5ème année d’école de traduction)
Dans un monde où les différences politiques entre jeunes femmes et jeunes hommes s’accentuent, se dirige-t-on vers une approche genrée de l’éducation ?
La fiction
L’université coexisterait avec des systèmes parallèles de légitimation (programmes d’entreprise, expériences, labels territoriaux, …). Elle n’aurait plus le monopole du savoir ni de la valeur. Certains établissements s’associeraient avec des ONG, des villes ou des collectifs pour garder un rôle social, pas seulement académique.
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Si vous souhaitez en savoir plus sur mon métier, c’est par ici
Bravo pour vos newsletters, et cette dernière en particulier, qui fait résonance avec nos expérimentations en cours avec AlexandrIA dans le Nord (https://www.linkedin.com/company/trouve-mon-nom/) ou encore Campus Cédille en Drôme et Vaucluse (https://www.linkedin.com/company/campus-c%C3%A9dille/) qui viennent mobiliser ces signaux faibles sur les "nouvelles formes de légitimation".
Passionnant. Merci.