Futur(s) | Fatigues
Et si demain, notre rapport à la fatigue redessinait nos modes de vie ?
Futur(s) est une newsletter hebdomadaire qui raconte les émergences du présent en fictions du futur. J’y partage ma veille et mes réflexions sur l’évolution de nos modes de vie. Nous sommes désormais 8 860 à imaginer les futurs ici.
Nos sociétés sont-elles devenues structurellement épuisantes ? Désormais, il n’y a plus une fatigue, mais des fatigues : fatigue climatique, fatigue démocratique, zoom fatigue, ou même la SAAS fatigue,… Comment envisager le futur de cet état physique et mental ? Voici trois pistes pour ouvrir la réflexion.
Bonne lecture,
Noémie
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🤒 2025 - Et si nous étions confrontés à une épidémie de fatigue ?
Signaux faibles
A quoi est due la fatigue de notre époque (2020) ? Georges Vigarello, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), auteur de “Histoire de la fatigue : du Moyen Âge à nos jours” (Seuil, 2020)
“Il s’agit d’un phénomène de peur qui ajoute de l’inconfort. Le COVID crée une forme d’incertitude sur le futur […]. Ce que je constate, c’est une énorme présence de l’évocation de la fatigue. Une sorte de l’épuisement qui se diffuse et se généralise. Une manière très nouvelle de parler de façon singulière : “je”. Nous avons énormément de témoignages sur la manière dont les individus s’éprouvent. Et ce qu’ils éprouvent évidemment c’est de l’ordre de la limite, de l’épuisement. […] La fatigue est une limite anthropologique, tout comme la maladie ou la mort.”
Le choc du futur - Alvin Toffler (1970)
“Nous pouvons définir le choc du futur comme le délabrement à la fois physique et psychologique provoqué par une trop grande fatigue des systèmes d’adaptation physique de l’organisme humain et un trop grand recours aux processus de prise de décisions.”
La hausse du nombre total de journées indemnisées concerne toutes les catégories de salariés. Cette évolution est le résultat à la fois des hausses de la population en emploi concentrées aux deux extrêmes de la pyramide des âges et de la sinistralité à âge donné. Au cours des années 2010, elle a été particulièrement marquée pour les salariés âgés, en lien avec l’allongement de leur durée d’activité. Sur la période récente (2019-2023), la hausse du taux de recours est aussi très marquée pour les tranches d’âge les plus jeunes.
Depuis 2010, les arrêts maladie ont augmenté chez les hommes et les femmes, mais plus fortement pour ces dernières. Cette sinistralité croissante chez les femmes se constate à tous les âges. Elle ne peut s’expliquer qu’en très faible partie par la hausse de leur participation au marché du travail, car cette hausse est beaucoup plus lente que celle de leurs arrêts maladie.
Les Français et la fatigue informationnelle
Finalement, le lien entre la fatigue informationnelle, la santé (les risques psychosociaux) et le bien-être est patent. Les personnes souffrant de fatigue informationnelle souffrent aussi plus que les autres de stress, d’anxiété, de déprime, de dépression ou d’addiction. Et en l’occurrence, à l’exception de ces deux derniers maux sur lesquels ils sont à peu près au même niveau, les « hyperconnectés épuisés » semblent même plus touchés que les « défiants oppressés » et tous les autres groupes. Notamment par le stress qui, rappelons-le, est défini par l’Agence européenne de la santé comme « le déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face
Les questions que cela pose
Le travail est-il en train de développer une nouvelle forme de pénibilité ? Comment l’intégrer ?
La fatigue est-elle en train de devenir un enjeu de santé publique majeur ?
La fiction
💤 2030 - Et si demain, nous étions dépendants des technologies pour nous reposer ?
Signaux faibles
Le business des données de sommeil
The ŌURA ring emerges as a notable product in the wellness technology market, offering innovative features and promising a healthier lifestyle. Priced between $350 to $400, its initial cost is seemingly justified. However, the ring’s appeal is tarnished by a business model that raises significant concerns.
In the first year, users enjoy full access to the ring’s data without extra charges. The real shock comes in the second year when a $75 annual fee is introduced for data access. This practice is alarmingly similar to buying a Mercedes for $60,000 and then being billed $15,000 yearly by Mercedes just to use it. Such a comparison highlights the absurdity of the pricing structure.
(Trad. La bague ŌURA apparaît comme un produit remarquable sur le marché des technologies de bien-être, offrant des fonctionnalités innovantes et promettant un mode de vie plus sain. Son prix initial, compris entre 350 et 400 dollars, semble justifié. Toutefois, l'attrait de la bague est terni par un modèle commercial qui suscite de vives inquiétudes.
La première année, les utilisateurs bénéficient d'un accès complet aux données de l'anneau sans frais supplémentaires. Le véritable choc se produit la deuxième année, lorsqu'une redevance annuelle de 75 dollars est introduite pour l'accès aux données. Cette pratique ressemble de manière alarmante à l'achat d'une Mercedes pour 60 000 dollars et à la facturation annuelle de 15 000 dollars par Mercedes juste pour l'utiliser. Cette comparaison met en évidence l'absurdité de la structure tarifaire.)
Les questions que cela pose
De la collecte à la captation : que va-t’on faire de nos données de sommeil ?
Après la mesure vient la prédiction, puis l’intervention : quel seuil franchirons-nous lorsqu’une technologie agira sur notre repos avant même que nous en ressentions le besoin ?Le prochain défi : réserver notre capacité à dormir sans assistance ?
Dans un monde où chaque nuit est optimisable, le “repos naturel” devient un acte de résistance. Comment défendre ce droit à la déconnexion physique, mentale et biologique ?Le sommeil sera-t-il bientôt un privilège réservé aux abonnés ?
Si bien dormir dépend demain d’un matelas intelligent ou d’une IA régulatrice, quelles fractures émergeront entre ceux qui peuvent “se payer le repos” et les autres ?
La fiction
🧘 2035 - Et si demain, la fatigue devenait un privilège ?
Signaux faibles
La fatigue comme porte vers la sérénité
Byung-Chul Han dévoile dans ce court texte un changement de paradigme, le passage d’une société disciplinaire, où les contraintes sur l’individu se multiplient, à une société de la performance, où la contrainte sur l’individu ne vient plus de l’ordre social mais de l’individu lui-même. L’excès de travail et de performance est l’indice d’une exploitation du soi par lui-même, une auto-exploitation. La liberté individuelle devient contrainte pour maximiser le résultat de nos actions et de nos activités.
À rebours de l’accélération, de la précipitation, de l’hyperactivité, de la dispersion qui semblent caractériser notre époque, le philosophe nous montre comment de la fatigue peuvent naître la sérénité, l’attention, la guérison.
Les questions que cela pose
Dans un monde de performance qui chercherait à éliminer la fatigue en améliorant notre microbiome, notre sommeil ou notre mental, la sensation de fatigue deviendrait-elle rare ?
Ce faisant, deviendra-t-elle un mode d’accès à soi, au même titre que la méditation, le rêve ou la douleur ?
La fiction
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Si vous souhaitez en savoir plus sur mon métier, c’est par ici
Une bonne dose d'otium comme remède à la productivité-fatigue
J’y vois aussi un nécessaire retour à la paresse, un appel au ralentissement pour « recharger ses batteries » (terrible expression)