Futur(s) | Être à l'imparfait
Et si, demain, préserver le capital humain devenait un choix politique clivant ?
Futur(s) est une newsletter hebdomadaire qui raconte les émergences du présent en fictions du futur. J’y partage ma veille et mes réflexions sur l’évolution de nos modes de vie. Nous sommes désormais 7 830 à imaginer les futurs ici.
En cette semaine de rentrée, je me suis demandée à quoi pourraient ressembler les suivantes. La question de l’interdiction des téléphones dans les établissements n’est probablement que la partie émergée de l’iceberg, laissant entrevoir un débat beaucoup plus profond sur la préservation du capital humain et le rôle à jouer de nos institutions face à ce défi.
Quelles sont les compétences humaines fondamentales, qui font l’essence de qui nous sommes, et comment pourrons-nous les entretenir ? Comment transmettre à nos enfants l’importance de l’imperfection de la nature humaine dans un monde qui tendra à gommer tous nos défauts de manière artificielle ?
Voilà les questions que je me suis posées en écrivant la fiction de cette semaine.
Bonne lecture et à très vite,
Noémie Aubron
Fiction | Contes du futur
Un futur possible, inspiré par le présent, ses tendances et ses signaux faibles.
À l'heure de la rentrée, les élèves prennent place dans la classe, s'installant sous votre regard attentif. Vous patientez un instant, puis demandez le silence avant de rappeler une règle incontournable : pour les élèves de l'École de la République, toute prothèse intellectuelle ou émotionnelle est formellement proscrite. Ceux qui en portent sont donc priés de les désactiver immédiatement, sous peine de se retrouver dans le bureau de la directrice pour une sévère réprimande. La plupart obéissent en soupirant, tandis qu'une poignée se tortille nerveusement, un peu honteux de ne pas être équipés.
La matinée débute par un échauffement intellectuel : vous invitez quelques élèves à raconter une blague devant la classe. D'emblée, vous repérez, à travers leurs bafouillages maladroits, ceux qui ont passé l'été avec une prothèse branchée. Vous gardez également un œil sur ceux qui se montrent à l'aise, peut-être trop. Quelques-uns tentent en effet de tricher, parfois avec l'aval de leurs parents.
Cette interdiction des prothèses pour les élèves dans les écoles publiques a en effet déclenché un vif débat entre les partisans d'une liberté technologique et ceux qui prônent la sauvegarde du capital humain. Face à la décision radicale d'interdire ces dispositifs dans les établissements scolaires publics, de nombreux parents ont préféré inscrire leurs enfants dans des écoles privées où les prothèses sont intégrées au programme éducatif.
Après tout, la pénurie de professeurs a en grande partie été résolue grâce à la prothèse Clovis. Vous avez vous-même bénéficié de ce dispositif émotionnel et intellectuel, qui a permis de créer des postes de vacataires augmentés, recrutés pour une année scolaire sans formation préalable. Une fois activé, il vous guide dans la tenue d’une classe, la reformulation pédagogique, ou la gestion de vos émotions. Vous avez saisi cette opportunité pour vous offrir une parenthèse professionnelle, assumant une mission utile sans engagement à long terme et en minimisant les risques. Cependant, vous vous retrouvez souvent confrontés aux questions des élèves, qui jugent la situation injuste : pourquoi les professeurs auraient-ils le droit de porter ces prothèses ? Dans de tels cas, mieux vaut laisser le mode pilote automatique de Clovis prendre les commandes pour trouver une réponse sous la forme d’une pirouette…
Veille | Les coulisses
Les tendances et signaux faibles derrière la fiction
Ultimately, this polarisation will revolve around those who repudiate the technologies now taking shape around us, and those who would not only use intelligent machines but become one with them. Become, as they will see it, something more than human.
What’s coming, then, is the emergence of two radically different kinds of humans. Those who are augmented by powerful technologies, and those who are not.
(Trad. En fin de compte, cette polarisation tournera autour de ceux qui répudient les technologies qui prennent forme autour de nous, et de ceux qui ne se contentent pas d'utiliser des machines intelligentes, mais qui ne font qu'un avec elles. Devenir, comme ils le verront, quelque chose de plus qu'humain.
Ce qui se profile, donc, c'est l'émergence de deux types d'humains radicalement différents. Ceux qui sont augmentés par des technologies puissantes, et ceux qui ne le sont pas.)
🔮 Pénurie de travailleurs : une tendance qui va se poursuivre
In a new Korn Ferry study that includes a sweeping country-by-country analysis, the biggest issue isn’t that robots are taking all the jobs—it’s that there aren’t enough humans to take them. Indeed, the study finds that by 2030, there will be a global human talent shortage of more than 85 million people, or roughly equivalent to the population of Germany. Left unchecked, in 2030 that talent shortage could result in about $8.5 trillion in unrealized annual revenues.
“Governments and organizations must make talent strategy a key priority and take steps now to educate, train, and upskill their existing workforces,” says Yannick Binvel, president of Korn Ferry’s Global Industrial Markets practice.
(Trad. Selon une nouvelle étude de Korn Ferry, qui comprend une analyse approfondie pays par pays, le principal problème n'est pas que les robots prennent tous les emplois, mais qu'il n'y a pas assez d'humains pour les occuper. En effet, l'étude révèle que d'ici à 2030, il y aura une pénurie mondiale de talents humains de plus de 85 millions de personnes, soit à peu près l'équivalent de la population de l'Allemagne. Si rien n'est fait, cette pénurie de talents pourrait se traduire en 2030 par des revenus annuels non réalisés de l'ordre de 8 500 milliards de dollars.
« Les gouvernements et les organisations doivent faire de la stratégie des talents une priorité essentielle et prendre des mesures dès maintenant pour éduquer, former et améliorer les compétences de leur main-d'œuvre existante », déclare Yannick Binvel, président de la pratique Global Industrial Markets de Korn Ferry)
👁️ Le brevet Google pour faire la photo parfaite
👁️ Le restaurant qui cherche à automatiser pour mieux payer ses salariés
There are already millions of jobs unfilled, and the situation is set to get worse. The obvious answer is to radically reduce the number of workers required. That’s what Steve Ells, the founder of Chipotle, is doing at Kernel, his new robot-powered, partially-automated restaurant concept where each outlet requires just 3 members of staff.
Better? Yet Ells’ vision isn’t of a completely automated, human-free experience. Indeed, he says, “we’ve taken a lot of human interaction out of the process and left just enough” and “it's really reinventing this 'McJob' that excites me so much … [with only three workers] you can afford to pay $27 an hour and a paid vacation.”
(Trad. Il y a déjà des millions d'emplois non pourvus, et la situation va s'aggraver. La réponse évidente est de réduire radicalement le nombre de travailleurs requis. C'est ce que fait Steve Ells, le fondateur de Chipotle, avec Kernel, son nouveau concept de restaurant robotisé et partiellement automatisé, où chaque point de vente n'emploie que trois personnes.
Mieux ? Ells n'envisage pas pour autant une expérience entièrement automatisée et dépourvue de personnel. En effet, dit-il, « nous avons supprimé une grande partie de l'interaction humaine du processus et en avons laissé juste assez » et « c'est vraiment réinventer ce “McJob” qui me passionne tant... [avec seulement trois employés] on peut se permettre de payer 27 dollars de l'heure et de prendre des vacances payées ».)
😮 Des dumbphones fournis par Eton, l’école pouponnière de l’aristocratie
Eton College, the famous British boarding school, has decreed that from September its students won't be allowed to have smartphones on site, and will be given school-issued dumb phones.
(Trad. Eton College, le célèbre pensionnat britannique, a décrété qu'à partir du mois de septembre, ses élèves ne seraient plus autorisés à avoir des smartphones sur place et qu'ils recevraient des “dumbphones” fournis par l'école.
Réel | Observer le présent
Les changements autour de nous pour décrypter un monde bouleversé et bouleversant
🔮 Frictions marines : câbles sous-marins Internet et biodiversité
Ainsi, nous souhaitons étudier de façon symétrique deux grands enjeux du développement des infrastructures, généralement abordés séparément dans la littérature en sciences sociales : d’une part, la façon dont les infrastructures produisent des vulnérabilités écologiques, notamment lors de leur construction, leur utilisation ou leur démantèlement ; et d’autre part, la fragilité des infrastructures mêmes, leur vulnérabilité face aux aléas humains et environnementaux. En symétrisant le regard sur les fragilités matérielles des infrastructures et des écosystèmes qui les accueillent, l’article contribue aux travaux qui soulignent l’importance de la prise en compte des relations entre technosphère et biosphère dans l’étude de la matérialité d’Internet
👁️ Le renouveau des enterrements
The memorial was held at the celebrity chef Rick Stein’s seafood restaurant in the neighborhood of Barnes in London, in what was the eatery’s first-ever funeral. There were personalized bottles of wine — “Have a drink on me. Château Tuer 1961” — and lovingly prepared memory books that bore the same typeface and color palette as Exit Here. “I know it’s a silly thing to say, but we liked beautiful things, as I think a lot of people do,” Ms. Tuer, 58, said. Her husband was buried in a “gorgeous” Scandinavian coffin. “He’d have been happy to be there.”
Doing Death Differently
Aesthetic developments seem to be a reflection of changing conversations around death. “Younger people especially are getting more comfortable talking about it,” Ms. Hill of Sparrow said. Look at the rise in popularity of death doulas, who provide support for the dying — and in some cases, the grieving, too. In the United States, end-of-life planning sites like Lantern and Cake, which are marketed toward millennials, easier to navigate and more transparent about their pricing, have sprung up.
(Trad. La cérémonie s'est déroulée dans le restaurant de fruits de mer du célèbre chef Rick Stein, dans le quartier de Barnes, à Londres, pour les toutes premières funérailles de l'établissement. Il y avait des bouteilles de vin personnalisées - « Buvez un verre pour moi. Château Tuer 1961 » - et des livres de souvenirs préparés avec amour qui portaient la même police de caractères et la même palette de couleurs qu'Exit Here. « Je sais que c'est idiot à dire, mais nous aimions les belles choses, comme beaucoup de gens, je pense », a déclaré Mme Tuer, 58 ans. Son mari a été enterré dans un « magnifique » cercueil scandinave. « Il aurait été heureux d'être là.
La mort différemment
Les évolutions esthétiques semblent être le reflet de l'évolution des conversations autour de la mort. « Les jeunes, en particulier, sont de plus en plus à l'aise pour en parler », a déclaré Mme Hill de Sparrow. Il suffit de penser à la popularité croissante des doulas de la mort, qui apportent leur soutien aux mourants et, dans certains cas, aux personnes en deuil. Aux États-Unis, des sites de planification de fin de vie tels que Lantern et Cake, qui s'adressent aux millenials, sont plus faciles à naviguer et plus transparents quant à leurs tarifs.)
😮 Paieriez pour assister à un mariage ?
Hassan Ahmed, 23, is charging his guests $450 for a ticket to his wedding next year in Houston, where he lives. Mr. Ahmed said he hadn’t heard back from many of his 125 wedding guests. But he has already spent over $100,000 on the wedding, including deposits for the venue, the D.J. and the photographer. In a video on TikTok, he said he was confused by the response, noting that many of his guests had spent more money on Beyoncé or Chris Brown tickets
(Trad. Hassan Ahmed, 23 ans, demande à ses invités 450 dollars pour assister à son mariage l'année prochaine à Houston, où il vit. M. Ahmed a déclaré qu'il n'avait pas eu de retour de la part d'un grand nombre de ses 125 invités. Mais il a déjà dépensé plus de 100 000 dollars pour le mariage, y compris les acomptes pour le lieu, le D.J. et le photographe. Dans une vidéo publiée sur TikTok, il s'est dit déconcerté par la réponse, faisant remarquer que nombre de ses invités avaient dépensé plus d'argent pour acheter des billets pour Beyoncé ou Chris Brown
💛 Minute auto-promo
Début juin avait lieu la première session de notre formation “Facilitez les conversations stratégiques grâce au design fiction”.
Un super moment à découvrir en vidéo !
Les inscriptions pour la prochaines session de janvier 2025 sont ouvertes, ainsi que des formats intra-entreprise de 1 à 3 jours. Contactez-moi pour en savoir plus ! (noemie@circa2040.com)
Si vous avez aimé cette édition, vous pouvez laisser un 💛 pour m’encourager et la partager autour de vous pour la faire connaître.
Si vous souhaitez en savoir plus sur mon métier, c’est par ici
Wlecome back to the hood Noémie. "Have a drink on me. Château rentrée 2024”